Page web du CESH  

Appel à communications

Discriminations et inclusion.

L’organisation du sport et de l’éducation physique en Europe

de l’Antiquité à nos jours

Présentation de la thématique du colloque

L’objectif du XXIX^e Congrès du CESH, qui se tiendra du 16 au 18 juin 2026 à l’Université de Rouen Normandie, est d’étudier les conditions selon lesquelles le sport et l’éducation physique se sont révélés être des puissants vecteurs de discrimination, d’inégalités et d’exclusion dans l’histoire, et aussi les modalités et les possibilités d’en faire un lieu de lutte contre ces inégalités et discriminations. En effet, le sport et l’éducation physique, outils de renforcement moral et physique des individus, sont souvent perçus et présentés comme des activités strictement vertueuses, à la fois pour les personnes et pour les communautés. Cependant, tout.e historien.ne du sport et de l’éducation physique sait que le sport et l’éducation physique, en tant que produits culturels enracinés dans l’histoire, reproduisent largement les tensions et les injustices sociales. Le colloque de Rouen a pour objectif de questionner la manière dont les pratiques physiques ont été organisées dans le temps selon des processus participant à des logiques de discrimination ou d’inclusion des pratiquant.e.s.

Si l’on remonte aux origines du sport moderne, on ne peut que constater que le sport, qui a émergé en Grande-Bretagne à partir du XVII^e siècle et s’est structuré au XIX^e siècle, est un outil qui a contribué à l’affirmation des élites, en particulier masculines, et à reproduire la hiérarchie sociale (Eisenberg, 1999 ; Collins, 2013 ; Holt, 2025). La distinction entre les amateurs et les professionnels était ainsi un puissant outil de distinction qui a marqué le développement du sport, et notamment du Comité international olympique (Guttmann, 1984 ; Carpentier, 2004). En outre, l’histoire du sport pratiqué par les femmes illustre combien la discrimination de genre est inhérente au monde du sport (Zweiniger-Bargielowska, 2010 ; Castan-Vicente, 2025). Le sport a par ailleurs joué un rôle singulier dans la construction des nations et des identités nationales (Krüger A. 1975 ; Cronin, 1999 ; Marschik, 1999 ; Koulouri, 2000 ; Balbier, 2007 ; Grant, 2013 ; Dufraisse, 2019). Les « valeurs » attribuées au sport n’existent donc pas en soi. Elles sont largement mises en avant en fonction des ambitions politiques, par exemple à l’occasion d’événements sportifs (Rossol, 2010 ; Clastres, 2025). Les organisations sportives, qui fixent des règles par essence discriminantes, sont l’expression des questionnements et des luttes de pouvoir dans le sport. Plus largement, elles témoignent des hiérarchies sociales et des sensibilités et conceptions de l’égalité. (Lanfranchi et al., 2004 ; Bailey, 2008 ; Gounot, 2016 ; Gallois, 2025). Il en va de même pour l’agencement des espaces utilisés pour les pratiques (Nielsen, 2002 ; Bolz, 2008).

De manière similaire, les différentes théories de l’éducation physique en Europe n’ont cessé de faire référence à des finalités sociales pour légitimer leur utilité dans la construction d’une nation ou d’un groupe de taille plus réduite (Ulmann, 1997). Plus généralement, la question des discriminations et de l’inclusion traverse les débats sur la culture physique sur le temps long. Dans la Grèce antique, puis au Moyen-Âge et à la période moderne, la participation aux différentes compétitions était réservée à certaines catégories d’hommes et les classes sociales déterminaient l’accès à de nombreuses pratiques physiques (Finley & Pleket, 1976). À partir du siècle des Lumières, les différentes théories de l’éducation physique répondent de plus en plus à des besoins sociétaux et économiques précis des pays européens (Teja, 1995 ; Saint-Martin, 2005). La massification de l’éducation primaire dans les sociétés occidentales est allée de pair avec des velléités de contrôle strict, par exemple dans le cas d’affirmation d’une identité nationale (Krüger M., 1996 ; Curran, 2022) ou dans le cas des régimes totalitaires aux politiques discriminatoires extrêmement violentes (Fabrizio, 1976 ; Bahro, 2013 ; Fonzo, 2023).

Cependant, les pratiques physiques ont aussi pu être un outil de lutte contre les inégalités et les discriminations, permettant de rentre visibles les injustices et les actions pour les combattre (Rossi, 1998). Les engagements en ce sens illustrent la malléabilité du sport et des pratiques physiques.

Axes de travail du colloque

Si le colloque de Rouen s’adresse en premier lieu aux historiens et historiennes, nous souhaitons aussi impliquer les chercheurs et chercheuses d’autres disciplines (sociologues, anthropologues, politistes, spécialistes de littérature...) dont les questionnements abordent la thématique des discriminations et de l’inclusion dans le sport dans le temps. Les interventions peuvent se concentrer sur des études de cas – relatives à toute période historique – ou proposer des analyses de portée plus générale. Les communications sont invitées à s’inscrire dans les axes suivants :

Bibliographie

Balbier Uta Andrea, Kalter Krieg auf der Aschenbahn; der deutsch-deutsche Sport 1950-1972. Eine politische Geschichte, Paderborn, Schöningh, 2007.

Bailey Steve, Athlete First. A History of the Paralympic Movement, Chichester, John Wiley & Sons, 2008.

Bahro Berno, Der SS-Sport. Organisation-Funktion-Bedeutung, Paderborn, Schöningh, 2013.

Bolz Daphné, Les Arènes totalitaires. Fascisme, nazisme et propagande sportive, Paris, CNRS Éditions, 2008.

Carpentier Florence, Le Comité international olympique en crises. La présidence de Henri de Baillet-Latour, 1925-1940, Paris, L’Harmattan, 2004.

Castan-Vicente Florys, Les Années Milliat : sports et féminismes dans l’entre-deux-guerres, Rennes, PUR, 2025.

Clastres Patrick, Les Jeux olympiques de 1892 à 2024. Une aventure mondiale, Rennes, PUR, 2025.

Collins Tony, Sport in Capitalist Society: A Short History, Abingdon, Routledge, 2013.

Cronin Mike, Sport and Nationalism in Ireland: Gaelic Games, Soccer and Irish Identity since 1884, Dublin, Four Courts Press, 1999.

Curran Conor, Physical Education in Irish Schools, 1900-2000: A History, Oxford, Peter Lang, 2022.

Dufraisse Sylvain, Les Héros du sport. Une histoire des champions soviétiques (années 1930- années 1980), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2019.

Eisenberg Christiane, „English Sports“ und deutsche Bürger. Eine Gesellschaftsgeschichte, 1800-1939, Paderborn, Schöningh, 1999.

Fabrizio Felice, Sport e fascismo. La politica sportiva del regime. 1924-1936, Rimini-Firenze,Guaraldi, 1976.

Finley Moses I., Pleket H. W., The Olympic Games: The First Thousand Years, London, Chatto and Windus, 1976.

Fonzo Erminio, I Fasci Giovanili di combattimento. Una storia di socializzazione politica, militarizzazione e sport, Bologna, Clueb, 2023.

Gallois Arthur, Le Comité National des Sports et le Comité Olympique Français de 1908 à 1952. Une histoire institutionnelle, politique et sociale, thèse de doctorat, Université Paris 1 & Université de Lausanne, 2025.

Gounot André, Les Mouvements sportifs ouvriers en Europe (1893-1939). Dimensions transnationales et déclinaisons locales, Strasbourg, PUS, 2016.

Grant Susan, Physical Culture and Sport in Soviet Society: Propaganda, Acculturation, and Transformation in the 1920s and 1930s, London-New York, Routledge, 2013.

Guttmann Allen, The Games Must Go On: Avery Brundage and the Olympic Movement, New York, CUP, 1984.

Holt Richard, Sport and the British. A Modern History, Oxford, OUP, 2025².

Koulouri Christina, Sport et société bourgeoise. Les associations sportives en Grèce 1870-1922, Paris, L’Harmattan, 2000.

Krüger Arnd, Sport und Politik. Vom Turnvater Jahn zum Staatsamateur, Hannover, Fackelträger, 1975.

Krüger Michael, Körperkultur und Nationsbildung. Die Geschichte des Turnens in der Reichsgründungära – eine Detailstudie über die Deutschen, Schorndorf, Hofmann, 1996.

Lanfranchi Pierre, Eisenberg Christiane, Mason Tony, Wahl Alfred (ed), 100 Years of Football. The FIFA Centennial Book, London, Weidenfeld Nicolson Illustrated, 2004.

Marschik Matthias, Vom Idealismus zur Identität. Der Beitrag des Sportes zum Nationsbewußtsein in Österreich (1945-1950), Wien, Turia+Kant, 1999.

Martin Simon, Sport Italia. The Italian Love Affair with Sport, Dublin, I. B. Tauris, 2011.

Nielsen Stefan, Sport und Großstadt. 1870 bis 1930: komparative Studien zur Entstehung bürgerlicher Freizeitkultur, Frankfurt/Main, Lang, 2002.

Rossi Lauro, Solidarietà, ugualianza, identità: socialità e sport in Europa, 1890-1945, Roma, L&N Ed., 1998.

Rossol Nadine, Performing the Nation in Interwar Germany. Sport, Spectacle and Political Symbolism, 1926-36, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2010.

Saint-Martin Jean, L’Education physique à l’épreuve de la nation. 1918-1939, Paris, Vuibert, 2005.

Teja Angela, Educazione fisica al femminile. Dai primi corsi per maestre di Torino (1867) alla ginnastica moderna di Andreina Gotta Sacco (1904-1988), Roma, Società Stampa Sportiva, 1995.

Ulmann Jacques, De la gymnastique aux sports modernes. Histoire des doctrines de l’éducation physique, Paris, Vrin, 1997.

Zweiniger-Bargielowska Ina, Managing the Body: Beauty, Health and Fitness in Britain, 1880-1939, Oxford OUP, 2010.